La question de la nudité en 2020 : Christelle, modèle à la Grande Chaumière, témoigne de son travail dans le "Samedi 20h30" intitulé "La tentation du nu", présenté par Laurent Delahousse, samedi 26 septembre 2020 sur France 2.
Le cinéma italien célèbre les cent ans de la mort d'Amedeo Modigliani : début 2020 une équipe de tournage italienne est venue sur les traces de l'artiste à la Grande Chaumière. Un documentaire a été diffusé les 12, 13 et 14 octobre 2020 dans les cinémas italiens (bande-annonce).
Vincent Perez, qui a commencé sa carrière comme photographe, travaille actuellement à la préparation d'un livre de photos sur les modèles et les muses. Parcourant le monde, il a naturellement proposé aux modèles de l'Académie de poser pour lui à Paris.
Lors de plusieurs séances, il a photographié avec talent et professionnalisme les modèles de la Grande Chaumière, partenaires indissociables de la vie de notre Académie.
Alain Souchon et ses fils Pierre et Charles nous ont fait le plaisir et l'honneur d'une visite à la Grande Chaumière vendredi 13 décembre. Ils répondaient aux questions d'Aurélie Sfez, journaliste sur Radio Nova et animatrice de l'émission À la dérive qu'elle présente ainsi : " On sort, on robinsonne partout, on bat le pavé avec un artiste. Là où il choisit d’aller, nous irons. Je déambule en bonne compagnie, dans les rues et le labyrinthe intime de mes invités. Une balade radiophonique, toujours en marche, avec un artiste qui guide les pas des auditeurs de Nova sur les lieux qu’il chérit et les territoires qui l'inspirent."
L'émission a été diffusée sur l'antenne de Nova dimanche 22 décembre 2019 à 18:00.
Alberto Giacometti, André Lothe, Antoine Bourdelle, Antonio Bandeira, Bernard Buffet, Bernard Cathelin, Chaïm Soutine, Chryssa, Claudio Castelusho, Eugène Grasset, Fernand Léger, Kees van Dongen, Louise Bourgeois, Lucien Simon, Marc Chagall, Maria Helena Vieira Da Silva, Olivier Debré, Othon Friesz, Pierre Jérôme, Serge Gainsbourg, Serge Poliakoff, Tsugouharu Foujita, Zadkine, Yves Brayer, Zao Wou-Ki, ...
Dans l'esprit, de liberté de création, demeuré intact, reste aussi le souvenir des peintres qui ont marqué l'histoire de la peinture, Gauguin, Modigliani, Morher, André Lhote séjournaient dans la maison mitoyenne de l'atelier qu'ils fréquentaient.
À ses tous débuts, lorsque l'Académie avait ses locaux Quai des Orfèvres, Delacroix, Manet, Picasso et Cézanne
participèrent à sa création. Et plus près de nous, des artistes comme Garouste vinrent réaliser l'esquisse de leurs oeuvres en ces lieux qui au tout début étaient de petits bâtiments de bois entourés de jardins – aujourd'hui presque inchangés.
Je vivais (au sens fort) à la Grande Chaumière. Il m'arrivait même souvent d'y dormir, par terre dans un atelier près du poêle encore chaud. La Grande Chaumière était un lieu hors du temps et de l'espace. Il semblait qu'une sorte d'ivresse particulière s'emparait de ceux qui en franchissaient le seuil. Je peux dire aujourd'hui avec certitude que c'est à la Grande Chaumière que j'ai été pleinement heureux pour la première fois de ma vie.
Coupé brusquement de ce que j'avais connu auparavant, je me retrouvais plongé dans cette société hétéroclite que sont toutes les académies de peinture. J'aimais ces vieux ateliers aux verrières crasseuses, l'odeur de térébenthine, ce silence tendu qui enclôt dans un cercle magique ceux qui viennent accomplir le rituel sacré d'une sorte de transfusion quotidienne.
Le modèle se déshabille derrière un petit paravent ; la salle se remplit peu à peu, chacun s'affaire sans bruit devant son chevalet, le poêle tire et ronfle, son tuyau vire au rouge, il fait une chaleur agréable et on n'entend plus que le frottement de vingt ou trente brosses ensemble. Le modèle somnole gardant tant bien que mal la pose ; parfois une voix chuchote fort : "Le bras un peu plus haut, Josepha." Le modèle sursaute et l'on peut surprendre dans ses yeux une fugitive panique de se retrouver nu sous tant de regards convergents. Par la suite il m'arriva de poser de temps en temps pour gagner le prix d'un repas chez Wadja ou à La Soupe Merveilleuse, près du Dôme. Cette immobilité forcée était une véritable souffrance pour ma fougue et mon impatience d'alors.
Dans les ateliers de l'Académie se sont succédés, pour ainsi dire sans que le modèle change de pose, des Allemands, des insurgés, puis les premiers soldats de l'armée Leclerc, des résistants de retour du maquis, des prisonniers rentrant d'Allemagne, des déportés, et enfin des Américains. Il me semble même qu'à un certain moment des soldats allemands distraits dessinaient paisiblement à côté des FFI. Sans doute je fabule, mais je maintiens néanmoins cette image qui rend compte de ce que pouvait être la Grande Chaumière pendant les heures brûlantes du réveil de Paris. Moi-même, entre le moment où je faillis être fusillé à Billancourt et le moment où je me retrouvais au 5, rue Séguier affecté comme inutile planton au Gouvernement provisoire, il m'arriva entre les coups de feu de faire un saut à la Grande Chaumière pour y dessiner. L'atmosphère était assez extraordinaire.
Le choc des armes cognées par mégarde contre les hauts tabourets se mêlait au doux frottement des crayons et des pinceaux, l'odeur de la poudre et du métal graisseux rivalisait avec les relents d'huile de lin et de térébenthine.
En dépit des efforts d'Haussmann, Paris consistait encore, à l'arrivée d'Eileen, en plusieurs agglomérations distincts. Il y avait l'élégant quartier résidentiel de Saint Germain, et ceux, modestes, de Montmartre et Montparnasse, où vivaient les artistes.
Eileen et ses deux amies trouvrent à se loger près de Montparnasse, dans une pension sordide située au 7, rue Bara. Le célèbre café du Dôme n'était qu'un petit établissement minable, la Coupole un bistrot fréquenté par les ouvriers ; le Sélect et la Rotonde n'existaient pas encore.... Les trois femmes s'inscrivirent à l'école Colarossi, rue de la Grande Chaumière.
Cette école de peinture était surtout fréquentée par des étudiants étrangers, la plupart venus d'Amérique, et n'offrait que peut de contacts avec l'univers français. Outre les classes traditionnelles de dessin, peinture, aquarelle et sculpture, il y avait des cours spéciaux réservés à l'art du costume, ainsi qu'à ce qu'on appelait "composition décorative"....
Je m'inscrivis à l'académie Charpentier, rue Notre-Dame-des-Champs, qui était l'école de préparation au concours des Arts déco, et je devins sur le champ, grâce à mon talent pour le mimétisme, la plus parfaite silhouette d'artiste de Montparnasse qu'on pouvait croiser au carrefour Vavin en ce temps- là. C'est à cette époque que je dessinais mes premiers nus. Ah ! L'émotion de la première séance ! Cette incrédulité qui me saisit de me voir, mon carton sur les genoux, entre une quarantaine de barbouilleurs blasés, devant cette femme, nue et blanche comme une madone, couchée sur un cube en bois recouvert d'un drap rouge, à coté du poêle fumant. Elle changeait de pose tous les quarts d'heure et on entendait alors les quarante pages de papier se déchirer, puis le crissement des fusains reprendre. Parfois, le modèle était une vieille femme, d'une soixantaine d'années, très grosse et replète.
Paradoxalement, c'est en dessinant cette vieille femme que j'ai pris conscience de la beauté du corps humain. En fait, un corps nu, si on prend soin de le regarder avec tendresse, n'est jamais laid. Il est tout simplement humain. Et puis, pour le dessin proprement dit, une vieille femme ronde c'est plus facile. Finis les grands traits lancés sur la feuille avec des airs d'artiste inspiré. Le trait, enfin, était fidèle à quelque chose, à des formes. Il est vrai que, à, les repères visuels étaient plus nombreux : premier pli, deuxième pli, troisième pli, etc. J'appris donc à dessiner, ce qui devait m'être très utile par la suite.